blood in the water (yona)

Cinq cent gallions. Il n’y avait pas cru. Il ne pouvait que s’être trompé, c’était tout bonnement impossible. Et pourtant, après avoir recompté trois fois, il avait dû se rendre à l’évidence: il n’y avait pas d’erreur. Quelle déchéance. La nausée l’avait pris devant le tableau pathétique de ces pauvres pièces, bien misérables dans le fond d’une boîte qui l’était tout autant. De petit prince des Serpentard, habitué au luxe et à l’abondance, il était devenu encore plus pauvre qu’un Weasley. Tous les Malfoys devaient se retourner dans leurs tombe à l’heure actuelle, probablement s’indigner dans leurs tableaux, pour ceux qui avaient été représentés. Invariablement, lorsqu’il se met à penser à ce qu’est devenu son quotidien, la rancoeur à l’égard de son père se fait plus virulente: s’ils en sont là aujourd’hui, s’il en est à présent réduit à réfléchir avant d’acheter la moindre babiole, à comparer les prix des shampoings ou encore à survivre avec en tout et pour tout trois tenues dans sa garde robe - qui avait, pour la plus grande partie de son existence été plus grande que la chambre de St Potter - c’était parce qu’il les avait entraînés dans sa chute, parce qu’il avait échoué.
Jusqu’à ce jour, il avait tout bonnement refusé d’y penser: il verrait bien le moment venu. L’horloge du salon indiquait 10h57. Trois minutes. C’était amplement suffisant, grâce à la poudre de cheminette, pour se rendre à Pré-au-Lard. Même si l’envie n’est absolument pas au rendez-vous, il marche d’un pas rapide, les bras croisés sur la poitrine et le regard rivé sur le chemin, sur la pointe de ses chaussures: il ne veut pas affronter les regards des badauds, les voir murmurer entre eux sur son passage, ricaner parfois. Il préfère encore les regards haineux, au moins, il peut leur rendre la pareille. Enfin, il pourrait, parce que là non plus, étrangement, le coeur n’y est pas.
Lorsqu’il arrive vers les Trois Balais, sa démarche ralentit; la porte est là, encore close, il sait que c’est l’heure, mais il ne peut pas se résoudre à franchir le seuil, comme si ses pieds étaient pris dans une sorte d’enclume, incapables d’avancer. Il cherche à se redonner une contenance, à chasser ce sentiment lancinant de malaise qui ne l’a plus quitté depuis… depuis.. Il n’en sait plus rien en fait.