la mort du cygne (lya, flashback)

Une pluie fine recouvre la plaine, et vient se noyer dans les flammes qui rougeoient et réchauffent l'air. Au coeur de la brume verdoyante et lugubre, c'est là, au milieu de la plèbe, qu'on perçoit encore le corps embrasé d'une sorcière. Auld Lang Syne retentit tristement à la cornemuse tandis que, les uns après les autres, les Greyback font leurs adieux à une femme qui les aura honoré les trois quarts de sa vie ; la défunte mère d'Icarus. Face à sa dépouille se tient son meurtrier: un monstre à forme humaine. Son propre fils l'observe sans un mot et rêve de vengeance. Tous le savent coupables, mais personne n'ose confronter l'animal. Le sort qu'il a réservé à sa propre femme, il l'a offert à des centaines, voir même des milliers d'individus avant elle, mais pas une âme n'est encore parvenue à le prouver coupable. La bête sait déguiser la sauvagerie. Des femmes aux enfants, le lupin est animé par sa haine des sorciers, et son désir toujours plus grand de diriger une meute, clan dont le serdaigle fait partie bien malgré lui.

Il tourne la tête, et ses iris émeraude croisent le regard compatissant de sa sublime, sa muse, Lya Dolohov. Il perçoit toute l'affection que la sorcière éprouve pour lui, et aussitôt son coeur se serre. Elle approche davantage son visage du sien et lui prend la main, tandis que l'écossais l'observe sans un mot, les yeux encore chauds de larmes qu'il n'a pas réussi à verser. "Lya, je..." balbutie-t-il de son accent du nord, qui colore délicatement sa voix tremblante. A la lumière de la tragédie qui vient de frapper les Greyback, les sentiments évidents qu'il partage avec la russe le décontenancent, et l'appellent à la vigilance. Après tout, lui aussi est un monstre, et il ne vaut pas mieux que Fenrir. Muré dans un silence soudain, il se sait capable de détruire une vie en un vulgaire coup de griffe, ou peut-être un coup de dent. De tuer comme son père a tué sa mère. Bientôt, son rythme cardiaque accélère puis, il trouve soudain le courage de s'exprimer: "Je ne comprends pas ce que tu fais là." Elle hausse les sourcils, visiblement surprise par la réaction du loup, mais elle n'a pas le temps de répondre car il poursuit sans attendre : "J'ignore à quel titre tu te permets d'assister à l'enterrement de ma mère. Je n'éprouve clairement aucun sentiment à ton égard car toi, comme le reste des Dolohov, n'avez aucun respect pour ma famille. Il n'y a ici de place que pour les chiens, tu vois." Le silence le plus total se fait alors, tandis qu'une larme perle enfin ses longs cils noir, et roule lentement sur sa joue. Il aimerait lui lancer un regard de défiance, mais son visage ne parvient à traduire que la peine profonde qui l'habite au moment où il perce son coeur de couteaux, et laisse le carmin s'écouler sans plus d'intervention. Lui-même peine à croire les prophanités qu'il vient d'énoncer, quand bien même à cet instant et depuis ses dix ans, son coeur ne bat que pour elle. Il l'aime et voilà qu'il la condamne à s'éloigner de lui. C'est pour mieux la protéger. À contre-coeur, Icarus doit s’assurer qu’elle ne reviendra pas pas vers lui. Qu’elle ne cherchera pas la chaleur de son corps, ou la douceur de sa voix. Pas après qu'il ait pris connaissance de la gravité de sa propre situation, et du danger horrifiant qu'encoure la sang pur en sa simple présence. C'est là le prix à payer pour le vil poison qui coure en ses veines, pour être né sous le mauvais astre, avoir été extrait des hanches exsangues de sa mère par des griffes acérées.