on se perd pas à pas (pansy)

Il ne porte pas de manches courtes. Jamais.
C’est à cause de cette marque, celle qui grave de façon indélébile son appartenance au camps du Mal. à l’Ombre. Qui lui rappelle que peut-être, il ne reverra pas la lumière du jour. Alors il en profite tant qu’il peut encore. Il laisse la douce chaleur du soleil d’août lui caresser la peau. Il essaie de lire, installé sur ce banc, dans le parc presque toujours vide, non loin du cimetière.
Lire pour se changer les idées. Pour s’évader. Mais il n’y arrive pas, l’orage vient inlassablement s’installer dans son esprit troublé. Ça fait plusieurs minutes que son regard stagne sur le même paragraphe, il ne saurait pas réciter le début de la phrase qu’il fixe sans y prêter attention; son cerveau déchiffre les mots, mais ne les imprime pas.
La brise est légère, agréable, elle rend le soleil moins agressif, elle le tempère. Il pense à sa mère, et son coeur se serre. Heureusement qu’il est seul, personne n’est là pour remarquer le regard dans lequel s’est mis à briller les larmes d’un enfant perdu. Il n’est plus vraiment un enfant, alors il secoue la tête, se morigénant pour cet accès stupide de sentimentalisme. Un Malfoy ne montre pas ses sentiments. Aurait-il dit. So much stronger than your father.* Il se demande ce qui lui a fait dire ça, comment elle le sait, parce que lui n’en a aucunement l’impression. Il sait qu’il aurait fini comme lui, qu’il aurait fini par tout rater lui aussi.
Perdu.
Il n’a pas remarqué qu’il n’est plus seul dans ce parc. Il ne l’a pas vue. Exactement comme autrefois.

*:

tu déambules dans le parc, l'appareil photo autour du cou. le béret vissé sur le crâne, tu braves le soleil indésirable. t'as l'impression de brûler sous les rayons lumineux, tu fronces le nez, agacée. tu attends l'automne avec désespoir.
il est passé où le temps des feuilles mortes ?
tu n'as pas vu d'arbre incandescent depuis un siècle ; tu fermes les paupières en quête de souvenirs. tu ne retrouves que le vide d'une année pleine de langueur et d'ombres portées. tes yeux s'ouvrent sur un banc. sur le banc. sur celui qu'il a choisi.
parce que c'est lui, pas vrai ? ton coeur fait une embardée. cette blondeur sous le soleil, c'est pas des plus commun dans les environs. tu t'approches de quelques mètres. c'est lui. c'est lui et t'es pétrifiée. tu redeviens la petite pansy de cinquième année. une boule s'est formée dans ta gorge. c'est lui. l'instant est arrivé et toi qu'est-ce que tu nous fais pansy ? un blocage ?
tes yeux se plissent et tu sers les poings. c'est lui. t'as envie de rire à t'en briser la mâchoire.

c'est lui.

t'avances vers le banc ; il ne se rend compte de rien. connard imbuvable. tu te poses devant lui, mains sur les hanches "deux serpents à godric's hollow, quelle douce ironie"
(draco encore un serpent ? really ?)
ton sourire brille d'hypocrisie, t'es comme plaquée or alors qu'en dedans -
en dedans ça boue comme l'enfer.

Il aimait le soleil, malgré son teint pâle, presque diaphane. Il aimait profiter du parc avec elle lorsqu’il revenait au manoir pour les vacances, les moments privilégiés pendant lesquels, marchant côte à côte dans les allées à demi ombragées, ils se libéraient de leurs masques de froideur et d’arrogance, ces visages qu’ils montraient au reste du monde. Ces moments pendant lesquels ils étaient juste eux. Juste une mère et son fils. Deux âmes perdues dans un engrenage terrifiant et qui allait les broyer. Qui les broyait sans qu’ils puissent s’y soustraire. One ne divorce pas dans une famille pure qui se respecte. De plus, elle l’aimait vraiment, il s’en était rendu compte. Il ne la méritait pas. Vraiment pas. Les larmes qu’elle a versé, par sa faute ? Ou pour lui ? En fait il ne sait plus trop mais il préfère croire que c’est sa faute à lui. Parce qu’il le hait et qu’il ne veut plus rien savoir de lui.
La silhouette se dessine, il ne la voit pas. Elle s’approche pourtant, derrière lui. Il est trop absorbé. Mais la voix. Il la reconnaît sans peine. Il reconnaît le sarcasme, leur arme favorite à tous, leur meilleure défense contre tout, contre tous. Deux serpents à Godric’s hollow. Il ricane doucement, d’un air un peu absent. - Qu’est-ce que tu fais là ? C’est tout ce qu’il arrive à dire. Il ne sait pas faire autrement. Il ne sait plus. C’était trop loin, ce temps où ils étaient juste deux élèves insouciants, l’ont-ils jamais été ? Ça lui semble presque une vie antérieure. Il voudrait dire qu’il est content de la voir, mais les mots restent bloqués dans sa gorge. Ils sonnent faux, même sans les avoir prononcés. Il se tourne vers elle, les yeux plissés à cause du soleil. Le sourire hypocrite lui échappe. L’aurait-il remarqué ? Il a senti l’animosité dans sa voix. Il fallait s’y attendre.

- Qu’est-ce que tu fais là ?
et c'est tout ce qu'il trouve à te dire en un an. un an (rien que ça) ; dans ton coeur, draco paraît être à des année-lumières de toi. pourquoi ?
pourquoi a-t-il joué au con ? pourquoi cette attitude de drama queen ?
pourquoi a-t-il préféré le silence ? tu comprends rien à son attitude. tu étais là toi, pour lui. t'as essayé de le faire parler lors de votre sixième année ; il a préféré la jouer en solitaire. p't-être que t'aurais pu l'aider, p't-être que t'aurais pu combattre contre le seigneur des ténèbres pour lui, pour sa liberté. t'aurais même pu défier carrow pour lui sauver la mise lors de la bataille finale. t'aurais pu faire un tas de trucs pour draco. et pourtant -
pourtant il est resté silencieux, alors tu ne t'es pas battue pour lui, contre les ténèbres. et aujourd'hui, t'es libre et orpheline de mère alors que lui est en cage avec ses deux parents. et il est où le gagnant dans tout ça ? il est où l'eldorado tant promis ? t'observes le visage fatigué de draco, soupirante.

oui, où est-il ce fucking d'eldorado qu'on soit un peu heureux ?

"c'est pas évident ?" demandes-tu en pointant l'appareil photos installé autour de ton cou. "j'immortalise l'héritier malfoy avant qu'il ne rejoigne son trou" tu secoues la tête d'un air faussement désolé. "tu devrais te nourrir ; je n'aurais pas le temps de t'apporter du jus de citrouille au parloir" intérieurement, t'as le coeur en sang. tu veux pas qu'il parte, il n'a rien fait de mal draco. tu le sais dans l'fond.
mais t'es blessée, alors tu dis n'importe quoi,
tu ressens n'importe quoi - t'as la tête en vrac et puis le coeur aussi.

Le ton est un brin moqueur. - C’est pas évident ?
Pansy et la photo. Il avait oublié. Clic. il n’a fallu qu’une seconde, peut-être même moins. Si elle a de la pellicule à gâcher, c’est son problème. Il aurait été prompt à lui rendre sa moquerie, comme avant, comme lorsque c’était leur moyen principal de communication, parce qu’ils n’étaient que des enfants qui ne savaient pas vraiment faire autrement. C’était le temps où les choses étaient simple, l’avenir semblait acquis. Autant dire, qu’à présent, ça semble affreusement loin, même si ce n’était qu’il y trois ans. Ça en paraît au moins cent. J’immortalise l’héritier Malfoy avant qu’il ne rejoigne son trou. Y’a que la vérité qui blesse, dit-on. Elle a su s’en servir, petite vipère. - La photo vaudra sans doute cher, un jour. Quand il sera dans son trou. Le ton se veut assuré, fier, détaché comme avant, mais seule l’incertitude transparaît dans ses mots et ça l’agace. Elle a toujours été là, ils étaient un peu le club des quatre, les quatre fantastiques; Blaise, Warren, Draco, Pansy. Les quatre as des vert et argent. Un ricanement amer. Qui se mue en sifflement. - TAIS TOI. NE ME PARLE PAS DE ÇA. L’espace d’un instant, l’ancien Draco est revenu. Celui que la peur rend agressif. Blessant. Le ton s’est durci, la voix ferme, mais la terreur est toujours là, dans le fond de ses yeux. Elle ne le quitte plus. - D’ailleurs t’as rien de mieux à faire ? Ou bien t’es venue admirer les ruines, toi aussi. Il est abject, il le sait, il fait exprès de l’être. Mais au moins, si elle finit par le détester, une bonne fois pour toutes, ça sera plus facile au moment de renoncer à tout. La meilleure défense c’est l’attaque, n’est-ce pas ?